Si vous êtes quelque peu familier avec le Lean management, vous vous demandez peut-être pourquoi encore un article sur les types de gaspillages. D’abord parce que les gaspillages Lean sont le plus souvent décrits en fonction de leur application dans des environnements de fabrication, d’où Lean provient. Deuxièmement, comme le monde des affaires est en constante évolution, les gaspillages Lean évoluent également en conséquence.
Ce blog n’évoque pas seulement (l’importance) de nouveaux types de gaspillages Lean, mais se concentre également sur leur occurrence dans les organisations de service et celles employant des travailleurs de la connaissance.
Avant d’énumérer et de décrire les 17 types de gaspillage, je voudrais vous rappeler qu’identifier et bannir ces gaspillages n’est pas synonyme de réduction des coûts. Selon Lean, un gaspillage est une activité qui n’a pas de valeur ajoutée au service ou produit final, livré aux clients. Et cette valeur doit être considérée du point de vue du client. Ceci est très probablement pourquoi Lean distingue les gaspillages – dénommés ‘Muda‘ – en 2 catégories principales:
- Muda Type I : activités n’ajoutant pas de valeur pour les clients, mais qui sont en quelque sorte nécessaires afin de produire le produit ou service final.
- Muda Type II : activités sans valeur ajoutée qui ne sont même pas du tout nécessaires.
Vous l’avez compris: les gaspillages de type II devraient être éliminés sans aucun doute, même le plus tôt possible. Alors que l’élimination de gaspillages de type I doit plutôt être bien pensée; en effet, vous devriez vous assurer que l’élimination d’une telle activité n’aura pas d’impact sur la qualité du produit ou service final, tel que requis par les clients – soit directement, soit indirectement.
8 types de gaspillage : FANTISME
Non, vous ne trouverez pas ‘fantisme’ dans le dictionnaire (français), mais ceci est un acronyme mnémotechnique qui peut vous aider à retenir les 8 types de base.
Bien que Taiichi Ohno ait identifié initialement 7 types de gaspillages, je préfère en considérer 8 de base, d’autant plus que le huitième – à savoir la sous-utilisation des compétences humaines (ou talents) – est en fait l’un des plus importants ces jours-ci, en particulier pour les organisations de service.
1. Fautes
Les fautes peuvent se manifester comme une défaillance externe, comme la réparation après-vente – particulièrement lors de la période de garantie – ou un besoin imprévu, disons anormal, de service. Il peut également s’agir de défaillances découvertes à l’intérieur de l’organisation, conduisant à une retouche ou une correction avant la livraison. Ou résulter en un déchet (quand la faute est irréparable) ou en un retard de livraison, etc. On pourrait définir une faute par un produit ou un service ne répondant pas aux normes – soit internes (à l’organisation), soit externes – ou aux attentes des clients. Ceci, peu importe à quel stade: matière première, travaux en cours, produit ou service final, etc.
Quelques exemples pour les organisations de service: des «bugs» dans un logiciel, des erreurs médicales ou chirurgicales, des niveaux de service, voire des accords de service non respectés, etc.
D’une manière générale, au plus tard les fautes sont découvertes, au plus graves les dégâts seront. D’où l’importance de les anticiper et de les éviter grâce à des contrôles de la qualité stricts; aussi bien envers les matières premières, les produits semi-finis ou peu importe l’activité pouvant être fautive, avant la livraison. Dans la mesure du possible, appliquez le principe « Bon du premier coup« ; et où il y a un risque d’erreur, prévoyez un détrompeur. Une organisation axée sur la qualité devrait également enregistrer toutes les fautes et plaintes – aussi bien internes qu’externes – , afin d’analyser les causes premières (« root-cause ») et de prendre des mesures pour les éviter à l’avenir. En effet, toute faute doit être considérée comme une opportunité d’amélioration de l’organisation du travail. Un concept très intéressant et à la fois un outil pratique pour faire face à toute faute ou erreur est la « matrice auto-qualité » Lean (plus à ce sujet en fin de ce blog).
2. Attente
Lorsque soit les clients, soit vos propres travailleurs ou même vos machines ou systèmes doivent attendre, c’est un gaspillage – de temps et d’argent, puisque le temps vaut de l’argent. Voilà pourquoi le principe de Flow en Lean management est si important: chaque fois qu’un objet ou un élément ne se déplace pas au travers d’un processus ou d’un flux de valeur, ceci peut (voire doit) être considéré comme un gaspillage potentiel.
Dans des environnements de service on peut par exemple s’imaginer des clients devant attendre trop longtemps avant d’être servis; ou des travailleurs ne pouvant travailler suite à l’arrêt d’un système, ou même quand un système – ou le réseau – informatique est trop lent, etc. Dans le « bon vieux temps », les organisations visant l’excellence opérationnelle enregistraient les différents temps (temps pour effectuer les activités, temps d’attente, etc.) manuellement, afin d’identifier les pertes de temps au sein d’un processus. Heureusement, de nos jours, le Process Mining permet de découvrir ces différents types de temps, identifiant ainsi les améliorations potentielles plus facilement et de manière bien plus objective.
3. Non- (ou sous-) utilisation des compétences humaines
Ceci est le soi-disant 8ème type, qui ne fut pas encore mentionné par Taiichi Ohno, alors qu’à mon avis il est devenu le plus important, surtout pour les organisations fournissant des services ou encore plus particulièrement pour celles employant des travailleurs de la connaissance; où le capital humain est la ressource la plus précieuse et bien souvent aussi la plus chère. Puisqu’il y a tellement d’aspects à considérer pour ce type de gaspillages, j’y consacrerai tout un blog, y compris des suggestions pratiques afin de minimiser ces gaspillages. Quelques exemples fondamentaux – mais malheureusement encore trop fréquents – sont: un emploi ne convenant pas au travailleur, la limitation en responsabilités pour les personnes compétentes, ne pas stimuler (ou pire encore, ne pas permettre) le personnel à développer de nouvelles compétences, etc. Vous en lirez plus à ce sujet dans le prochain blog.
4. Transport
Même si ce type de gaspillage peut sembler être typique des sociétés de manutention, il est aussi parfaitement applicable aux organismes de service. Non seulement l’organisation peut probablement utiliser des biens physiques afin de fournir ses services, mais le transport peut également concerner le transport de personnes. Par exemple le transport des patients dans un hôpital ou dans une maison de repos ou toute autre organisation offrant des soins personnels. Sans oublier le transport d’éléments intangibles comme des données ou de l’information, des dossiers – soit papier, soit électroniques. La modélisation des processus ou des flux de valeur, mais aussi du cycle de vie global d’un objet de travail contribue certainement à identifier le transport et à juger de sa valeur. Pensez par exemple aux algorithmes de logiciels utilisés pour des départements de dispatching, développés grâce à l’analyse – et amélioration – régulière des itinéraires utilisés. Les diagrammes spaghetti s’avèrent également utiles afin d’analyser tout transport interne. Un entraîneur sportif m’a raconté comment il surveille l’efficacité de son équipe en analysant les mouvements des joueurs lors d’un match, alors qu’ils sont munis d’un positionneur discret et très léger. Une fonctionnalité (géolocalisation) qui est par ailleurs présente sur chaque smartphone de nos jours, et qui offre donc de nombreuses perspectives pour l’amélioration de vos processus. Entre autre grâce à l’internet des objets; sans aucun doute également un sujet pour un des futurs blogs…
5. Inventaires (stocks)
Aussi les stocks nous font penser spontanément à des biens tangibles et physiques – comme matières premières, produits semi-finis, ou produits finaux. Et en effet, les stocks physiques trop importants ne représentent pas seulement un coût en raison de l’espace coûteux qu’ils utilisent, mais également de l’argent immobilisé; sans oublier le risque de leur obsolescence, surtout en ces temps d’évolution rapide.
Quelle organisation n’est-elle pas challengée ces jours-ci par le surplus (en stockage) d’information? Même en tant qu’utilisateur individuel, j’ai tendance à garder trop de données – par exemple trop de fichiers sur mon disque dur ou trop d’e-mails – en supposant que j’en aurai besoin ultérieurement; alors que je ne les utilise finalement (quasiment) jamais. Même si le stockage des données peut paraître plutôt peu coûteux de nos jours, l’effet secondaire est le défi de retrouver rapidement les informations quand on en a besoin. Probablement l’un des plus grands défis du « Big Data« , entre autre généré par l’Internet des objets; même si le Data Mining – ou l’Exploration de données – aidera à amener le consommateur de données à la bonne information dans sa prise de décision.
6. Surproduction
Surproduction signifie livrer (ou produire) trop ou bien trop tôt. On pourrait se demander pourquoi « trop tôt » est un gaspillage, ou un problème. Eh bien, imaginez que vous êtes dans un restaurant, dégustant encore toujours votre entrée, alors que le serveur vous apporte déjà le plat principal. Apprécierez-vous d’être servi trop tôt dans ce cas? D’autre part, fournir trop signifie que cela coûtera plus cher à votre organisation, alors que vous pourriez satisfaire vos clients davantage en fournissant moins, mais à un prix inférieur. Mais aussi considérant votre propre organisation (interne), la surproduction a d’autres effets négatifs; comme perturbation du bon déroulement des processus ou de ses activités, les rendant ainsi moins efficace. D’où l’importance de l’application du principe Lean dénommé Pull chaque fois que possible, de manière à fournir la quantité demandée, et pas plus. Voici quelques exemples typiques de Surproduction dans les environnements de services: fournir l’information (par exemple des e-mails ou des rapports) alors qu’elle n’a pas été demandée; ou une information sans valeur pour son destinataire; ou toute information fournie trop tôt, qui risque d’être désuète au moment où le destinataire en aura vraiment besoin.
7. Mouvements
Ceci est évidemment un sujet plus humain. Il ne s’agit pas seulement de l’inefficacité – comme le nombre de (kilo)mètres qu’un travailleur doit parcourir au long d’une journée, mais également l’ergonomie et les micro-mouvements que ces travailleurs doivent effectuer, qui sont importants pour leur propre santé. Quelques exemples typiques, évidemment aussi – même en particulier – pour les organisations de services, sont l’ergonomie et la disposition du mobilier de bureau, ainsi que la convivialité des (écrans) d’applications logicielles, de manière à réduire au minimum le nombre de clics nécessaires pour réaliser des tâches administratives. Cela permet non seulement une augmentation en productivité, mais ça diminue également le risque de microtraumatismes répétés.
8. Extra-traitement
Un extra-traitement signifie faire plus que nécessaire du point de vue qualité. Alors que la surproduction (numéro 6 ci-dessus) se rapporte à la quantité ou au timing, l’extra-traitement consiste à fournir plus d’efforts que nécessaire, résultant en un produit ou en un service plus coûteux – que ce que le client attend – en tout cas tant que le client n’apprécie pas cette qualité et ce prix supérieurs. Imaginez que vos clients soient satisfaits avec un niveau de service comme par exemple un temps de réponse de 24 heures après leur appel. Si vous essayez de réduire le temps de réponse à 1 heure, alors que ceci vous coûtera beaucoup plus, ne serait-ce pas un gaspillage de réduire ce temps de réponse de manière si radicale? Surtout quand vos clients ne sont pas prêts à payer un centime de plus pour un temps de réponse plus court.
Autres types de gaspillage plus récents
Depuis les gaspillages décrits par Taiichi Ohno, d’autres aspects organisationnels plus récents méritent une attention en tant que gaspillages potentiels; en particulier pour les sociétés de service ou les organisations employant des travailleurs de la connaissance:
1. Monuments ou systèmes inappropriés: le terme « monument » en Lean management a un sens négatif, se référant à tout équipement ou système causant des gaspillages en empêchant l’écoulement fluide du flux travail. Ceci, par leur manque de flexibilité ou l’impossibilité (ou le coût) à les déplacer ou à les remplacer. Dans un environnement administratif, pensez par exemple à des systèmes informatiques obsolètes, ou des progiciels (de type ERP, CRM, etc.) inflexibles, particulièrement quand ils ne sont pas – ou plus – appropriés aux besoins actuels. Ceux-ci sont alors bien souvent une source d’inefficacité et provoquent une perte de temps dans ses nombreuses formes: temps de traitement, temps d’attente, etc.
2. Energie, eau et ressources naturelles: particulièrement en cette ère de haute pression sur la Terre, y compris le changement climatique, pas besoin de souligner l’importance d’être efficient avec ce genre de ressources. Les organisations qui considèrent ou appliquent Lean comme une philosophie plutôt qu’un « simple outil » attachent aussi davantage d’importance à un minimum de gaspillage de ces ressources. Non seulement pour les processus livrant des produits ou des services, mais aussi déjà dès leur conception, à savoir les processus de R & D. Afin que le produit ou service livré consomme aussi un minimum d’énergie, d’eau ou d’autres ressources naturelles lors de son utilisation. Et qu’après consommation, ce service ou produit, fournisse un minimum de déchets ou polluants.
3. Variation: comme déjà expliqué dans des blogs précédents, la variation est un des plus grands ennemis de l’efficacité opérationnelle. Ceci est d’ailleurs l’objectif principal de 6-Sigma: rétrécir la largeur des courbes (écart-type) le plus possible.
4. Ce que Bicheno & Holweg appellent « No follow through« , signifiant un manque de cohérence. L’un des emplois impropres les plus fréquents de Lean, est la chasse aux ETP (équivalents temps plein) pour finalement licencier les gens: c’est un exemple typique de comment ne pas appliquer Lean. En effet, même si vous pouvez économiser de l’argent sur les salaires à court terme, en licenciant du personnel motivé, vous gaspillez à terme toute connaissance et expérience précieuse. Une meilleure façon est de considérer comment valoriser le temps et le personnel ainsi libéré, en leur attribuant des activités à valeur plus élevée.
5. Duplication ou redondance de l’information, des données ou du travail: la re-saisie (ré-encodage) de données ou la répétition d’un même travail – pour une même unité de produit ou service livré, alors que cela pourrait être effectué en 1 temps, est clairement un gaspillage.
6. Communication confuse: toute communication, qu’elle soit interne ou avec des clients ou des fournisseurs, doit être aussi claire que possible, afin d’éviter toute confusion et malentendus; mais aussi afin de limiter le temps perdu à clarifier les choses.
7. Rapportage pauvre – voire incorrect: inutile de mentionner que des informations exactes et à jour sont essentielles pour prendre de bonnes décisions, aussi bien à un niveau opérationnel qu’au plus haut niveau de gestion. Un rapportage pauvre – et pire encore, incorrect – conduit à des gaspillages, et même à des décisions erronées, donc des pertes relativement élevées en argent, matériel, temps, etc.
8. Erreurs de transaction de service: tout type de panne lors de la prestation de services coûte du temps et de l’argent. Bien que vous puissiez vous demander pourquoi ceci n’est pas similaire au gaspillage du type « Faute », il est un fait que lors de l’exécution des tâches de service chez – ou sur le chemin vers – un client, beaucoup plus de choses peuvent aller mal que dans une usine de fabrication où il est plus facile à contrôler les activités . Par conséquent, l’implication et la formation – voire même l’éducation – des clients est davantage importante pour les transactions de services, afin d’éviter les défaillances. La plupart des banques (si pas toutes) offrent des services de paiements en ligne ces jours-ci; mais elles mettent en garde (lisez « éduquent ») leurs clients à être prudents; par exemple en recommandant d’installer un anti-malware, ou à être attentif au Hameçonnage, etc.
9. Perte d’opportunité: vous savez très probablement qu’il coûte beaucoup plus de temps et d’argent de convaincre un prospect à devenir client que de maintenir un bon client. Par conséquent, la perte de clients ou d’opportunités de vente en les ignorant, ou suite à un manque de convivialité ou de politesse, etc. est également un type non négligeable de gaspillage.
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