Comme vous le savez probablement, le BPR (Business Process Re-engineering) est caractérisé par un changement plutôt ponctuel. Alors que le BPM (Business Process Management) est une philosophie d’amélioration continue des processus, similaire à Lean/Six Sigma.
Cependant, l’amélioration continue implique un mesurage; en effet, comment serait-il possible d’améliorer, sans mesurer le progrès? D’où l’importance des métriques de processus ou des indicateurs de performance des processus (PPI); une des 14 caractéristiques de l’organisation processus.
Mais comment définir des indicateurs de processus adéquats? Ce blog illustre particulièrement la façon dont les métriques peuvent être dérivés de la stratégie de l’organisation ainsi que des attentes ou exigences des clients, utilisant un exemple concret.
A partir des objectifs stratégiques…
Comme déjà mentionné dans le blog du 5 Février 2015, les objectifs de processus doivent être dérivés des objectifs organisationnels. Ces objectifs organisationnels dépendent évidemment de la stratégie de l’organisation ainsi que des segments de marché – ou profils de clients – que l’organisation vise.
Prenons Tesla Motors comme exemple, visant une clientèle sensible à l’environnement, et prête à payer un prix plus élevé pour une voiture électrique de haut de gamme. Certaines attentes – ou exigences – des clients pour ce marché sont entre autres:
- des critères de qualité pour une voiture haut de gamme, comme par exemple le confort, la sécurité, la fiabilité, le design, l’ergonomie, etc.
- une autonomie importante, donc être capable de rouler de nombreux kilomètres avant de devoir recharger la batterie
- une recharge rapide de la batterie
Généralement, les exigences des clients peuvent être classées d’après les aspects suivants, à partir desquels les variables de performance et les indicateurs peuvent être dérivés:
- Qualité: par exemple un véhicule avec une grande autonomie
- Coût: l’achat d’une voiture, son entretien, sa consommation, etc. doivent être abordables (‘value for money’)
- Livraison: les délais doivent être acceptables
- Sécurité: exemple: la voiture doit au moins répondre aux critères NCAP
- Santé: aucun matériau dangereux ne peut être utilisé, aussi bien lors de la production que dans le produit fini
- Environnement: par exemple absence d’émissions de CO2, ou recyclabilité de la voiture quand elle est en fin de vie
- Innovation: de nouvelles fonctionnalités précieuses pour le propriétaire de la voiture; par exemple un pilotage automatique (du moins pour les pays où ceci est homologué)
…vers les objectifs processus
Les exigences des clients devraient être reflétées dans tout objectif et output de processus. Ceux-ci peuvent correspondre à des exigences relatives aux produits ou services finis, vers le client final (externe), mais peuvent aussi correspondre à tout output intermédiaire pour les clients internes (donc pour les processus ‘en aval’) et devraient être décrits en fonction des exigences ou par des SLAs (= Service Level Agreement). Ainsi, pour chaque output de processus, il est bon d’évaluer en détail quels critères ont un impact sur les exigences du client final. Prenons par exemple comme exigence de client (externe), l’autonomie d’une voiture électrique entre 2 recharges de la batterie. Comment cela pourrait-il être traduit envers des objectifs de processus? La réponse est: à travers des variables de performance. Supposez que le choix de la voiture dépend essentiellement de:
- la capacité de la batterie, qui à son tour peut dépendre de:
- la nature (composition chimique) de la batterie
- la taille de la batterie
- le taux de diminution de la performance (= nombre de recharges avant que la batterie ne soit usée)
- l’efficience (consommation en énergie) de la voiture, qui peut dépendre de:
- sa forme (aérodynamique de la voiture)
- l’efficience du moteur (rotor)
- l’économie (récupération) d’énergie en cas de freinage
- du frottement des essieux avec les roulements
- du type de pneus utilisés ou recommandés
L’étape suivante est d’identifier quels processus, parmi tous les processus d’entreprise, ont un impact sur les différentes variables de performance que vous avez répertoriées; et à quelle étape dans le processus. Prenant comme exemple l’efficience (consommation en énergie) de la voiture, on pourrait déduire que cette exigence est affectée par les processus suivants parmi la chaîne de valeur illustrée ci-dessus:
- Supposant que la voiture est conçue par Tesla Motors même, l’ aérodynamique est probablement la plus affectée par les processus « Recherche et développement » et « Développement de produit & service« .
- Dans le cas où le moteur (rotor) est fabriqué par Tesla Motors, l’efficience du moteur sera également affectée par les processus de « développement« . Par contre, si le moteur est acheté, ce sera le processus « gestion des fournisseurs » qui aura un impact. Les processus « Service après-vente« , et « Consommation » peuvent également affecter l’efficience du moteur et de la voiture; en effet, un entretien insuffisant ou une conduite très sportive peuvent générer une consommation plus élevée.
- L’économie (récupération) d’énergie grâce au système de freinage peut être affectée par les processus de développement (donc R&D et Développement de produit & service); éventuellement aussi par d’autres processus.
- Imaginez qu’un frottement trop important des essieux avec les roulements soit causé par un non-respect des tolérances du diamètre des essieux. Dans ce cas, le processus « gestion des fournisseurs » serait vital, tout en supposant que les essieux ne sont pas produits par l’assembleur (Tesla Motors) lui-même.
- Comme il est improbable que Tesla produise elle-même les pneus, ici aussi, le processus « gestion des fournisseurs » peut affecter l’efficience de la voiture; puisque des pneus de moindre qualité peuvent causer une consommation plus élevée d’énergie.
Inutile de mentionner qu’une telle façon d’attribuer des variables de performance à des processus, conduit finalement à une liste d’objectifs et de variables de performance pour chacun des processus d’entreprise, ainsi que chacune de leurs variantes.
En effet, considérons 2 modèles de voiture différents, à savoir la Tesla modèle S et la Tesla roadster. Bien que certaines exigences – comme une autonomie suffisante et une recharge de batterie rapide – soient communes aux 2 modèles, les clients de la modèle S vont exiger un intérieur plus spacieux, tandis que les clients du roadster vont plutôt exiger une forte accélération.
Des objectifs aux indicateurs
Poursuivant avec le processus de ‘gestion des fournisseurs’ comme exemple, on peut conclure que l’approvisionnement de chaque pièce automobile devrait avoir sa propre liste de critères. Donc, en plus des critères ci-dessus (affectant l’efficience de la voiture) – comme le respect de la tolérance des essieux et des pneus adéquats -, de nombreuses variables de performance seront répertoriées pour chaque pièce à fournir.
Une fois que toutes les variables de performance – liées à la qualité, au coût, à la livraison, etc. – pour chaque output de processus sont connues, il reste à déterminer comment les mesurer, et vis-à-vis de quelles valeurs cibles respectives. Supposons que pour les essieux, la tolérance maximum du diamètre soit de 0.5 microns; cela veut dire que tout essieu avec une déviation de plus que 0.5 micron est refusé. A cet effet, un contrôle de qualité strict doit être prévu dans le processus de gestion des fournisseurs pour ce qui concerne les essieux. Ce contrôle a lieu de préférence lors de la livraison (déchargement), de manière à ce que les essieux refusés puissent être renvoyés immédiatement au fournisseur. Dans ce cas, l’indicateur sera le nombre (ou le pourcentage) des essieux refusés, avec 0% comme cible.
Ceci n’est bien sûr qu’un exemple parmi de nombreux indicateurs possibles en ce qui concerne le processus de gestion de fournisseurs pour les essieux, ignorant encore tous les indicateurs imaginables pour toutes les autres pièces automobiles fournies. Outre la qualité du produit même, d’autres types d’indicateurs – comme le respect des délais de livraison, le coût, etc. – seraient aussi valables.
Aperçu des étapes
Récapitulons les étapes à partir de la stratégie jusqu’aux indicateurs:
- Commencez par les objectifs organisationnels, basés sur la stratégie, et fonction du marché cible
- Identifiez les exigences des clients pour les produits & services respectifs (= output des processus)
- Examinez quels processus d’entreprise ont un impact sur ces exigences
- Déterminez où et comment mesurer dans le(s) processus – c’est-à-dire pour quelles activités du processus -; autrement dit, définissez les indicateurs
Le blog suivant explique davantage comment déduire « en cascade » les indicateurs au niveau des travailleurs individuels à partir des indicateurs de processus; vous y lirez également des recommandations pour de bons indicateurs.
Décrivez votre propre expérience – ou défis – concernant les indicateurs de processus dans le cadre ‘Commentaires’ ci-dessous; et recevez en retour un template détaillé qui vous aidera à définir vos indicateurs.
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