Dériver les indicateurs de processus à partir des objectifs stratégiques est une chose. Il est toutefois aussi important de traduire ces indicateurs de processus vers le niveau des tâches. Il est en effet indispensable que ceux (individus ou équipes) qui effectueront les tâches d’un processus soient bien conscients de l’impact de leurs activités sur les objectifs du processus et sur les objectifs stratégiques. Car c’est grâce à la performance de leur travail – qui contribue au processus – que la valeur sera finalement créée.
Alignement des indicateurs: du processus à la tâche
Poursuivons l’exemple du dernier blog: si le contrôleur de qualité des essieux ignore pourquoi la tolérance très limitée du diamètre est si importante pour l’efficience – et donc pour la qualité finale – de la voiture, pourquoi serait-il si méticuleux? Au plus il/elle sera conscient(e) de l’impact de cette tolérance sur l’autonomie de la voiture, ainsi qu’à la contribution de sa qualité finale, et finalement au succès de Tesla Motors, au plus il/elle sera motivé(e) pour sa tâche. Qui ne voudrait pas travailler pour une organisation gagnante, lui fournissant un degré élevé de satisfaction ainsi qu’une sécurité d’emploi…?
Il est évident qu’une définition claire d’une tâche est le meilleur facteur de motivation intrinsèque pour le personnel exécutant; particulièrement quand celui-ci est aussi conscient de l’importance d’une clientèle satisfaite, qui (indirectement) paie son salaire.
Il est cependant plutôt rare que le personnel soit bien conscient de la façon dont le travail affecte la satisfaction du client; ou comment leur travail influence les objectifs stratégiques. Dans une organisation «orientée processus», les travailleurs devraient même être critiques eux-mêmes envers le sens de leurs activités. Ainsi, ils devraient considérer si chacune de leurs actions ajoute bien réellement de la valeur et si celles-ci contribuent effectivement à des objectifs plus élevés; entre autre à la satisfaction des clients. En effet, le meilleur moyen d’obtenir une haute adhésion aux objectifs de performance d’une tâche est d’impliquer le (futur) travailleur dans l’établissement des objectifs qui leur seront attribués. Afin de vérifier l’alignement des objectifs – de la stratégie au processus et du processus à la tâche -, vous devriez vous demander:
- s’il y a bien un alignement entre le(s) résultat(s) de la tâche et les exigences et objectifs du processus
- comment ces résultats – ou outputs – sont alignés aux exigences du client et aux objectifs organisationnels
Objectifs versus Conception et Gestion du travail
Permettez-moi d’abord de citer Rummler & Brache afin de souligner l’importance de la conception et la gestion du travail: « Si le travail n’est pas conçu pour soutenir les étapes du processus, et si l’environnement de travail ne permet pas au personnel de contribuer au maximum à l’efficacité et à l’efficience, alors les objectifs de processus et les objectifs organisationnels ne seront pas atteints ».
La conception du travail est une question d’attribution des rôles et responsabilités, de définition des tâches et procédures, d’ergonomie, etc. Pour ce qui concerne les rôles et responsabilités ainsi que les procédures, ceux-ci peuvent être documentés par le biais de modèles de processus et de schémas, comme illustré ci-dessous.
Quant à l’ergonomie, celle-ci est un domaine en soi, allant du bien-être à l’étude de temps et mouvements; celle-ci a évidemment aussi un impact sur l’efficience des processus ainsi que sur les objectifs supérieurs.
La gestion du travail vise à gérer les 6 facteurs que Rummler & Brache appellent le «système de la performance humaine« . Ces facteurs sont:
1. Caractéristiques de performance: est-ce que le travailleur connaît les normes de rendement (du moins si elles existent)? Et ces normes sont-elles réalisables? Dans notre exemple, le contrôleur de qualité chez Tesla doit bien savoir quand il/elle doit refuser un essieu hors des tolérances déterminées.
2. Support: le travailleur peut-il facilement reconnaître l’action nécessaire en fonction de l’input? Et est-il bien équipé? Ainsi notre contrôleur de qualité doit savoir comment mesurer le diamètre des essieux (par exemple grâce à une procédure) et il doit posséder l’équipement adéquat.
3. Conséquences: les conséquences de la tâche correspondent-elles à la performance attendue et sont-elles significatives pour le travailleur? Si par exemple le contrôleur de qualité est chargé de contrôler chaque pièce – donc non seulement les essieux, mais également les écrous et les boulons qui n’ont pas d’impact considérable sur l’efficience de la voiture – il sera peut être stressé inutilement et négligera le contrôle de qualité pour les essieux, alors que c’est bien ça la priorité.
4. Feedback: le travailleur doit recevoir un feedback « STARE » (= Specific,Timely, Accurate, Relevant, Easy-to-understand). Par exemple quand le contrôleur de qualité est nouveau, et ne mesure pas correctement (c-à-d pas selon la procédure), quelqu’un devrait le lui expliquer selon les critères « STARE »; notamment en corrigeant immédiatement et clairement comment mesurer.
5. Compétences et connaissances: est-ce que le travailleur possède les compétences et les connaissances requises et est-ce qu’il/elle connaît l’importance de ses activités envers la performance du processus et de l’organisation? Par exemple: le contrôleur de qualité ne doit pas seulement être au courant de la procédure décrivant la façon de contrôler, mais doit également connaître l’importance du contrôle, notamment pour l’efficience de la voiture, et pour le succès de Tesla motors comme entreprise.
6. Les capacités individuelles: est-ce que le travailleur est physiquement, mentalement et émotionnellement capable d’effectuer ses activités? Si le contrôleur de qualité a par exemple des problèmes de vue, il peut être difficile de mesurer la tolérance avec une précision suffisante.
Il évident que ces facteurs de gestion du travail ont un impact sur la performance de processus, et finalement sur la performance organisationnelle.
Astuces pour de bons indicateurs
Pour conclure les blogs au sujet d’indicateurs, voici quelques astuces pratiques:
De préférence, un indicateur:
- est facile à comprendre: idéalement, l’indicateur est auto-explicatif; par exemple, « % des essieux rejetés en raison du non respect des tolérances ».
- a un sens clair: comme déjà mentionné, le «pourquoi» de l’indicateur doit être connu, et le travailleur sait comment il affecte les objectifs supérieurs.
- est plutôt menant que résultant: il est préférable d’utiliser des indicateurs qui stimulent le résultat souhaité afin d’éviter tout résultat indésirable, plutôt que d’observer les résultats après les faits (c-à-d après exécution des processus). Ainsi il est mieux d’anticiper la friction causée par les essieux en rejetant tout essieu dépassant la tolérance plutôt que d’observer une friction après assemblage. En général, il est recommandé de mesurer plutôt en amont qu’en aval du processus.
- est objectif: l’indicateur doit être exprimé en tant que valeur objective, sans aucune ambiguïté.
- est économique à mesurer: le coût de collecte et/ou d’analyse des données devrait être minime; en tout cas inférieur aux avantages de la mesure.
- implique les intervenants: un indicateur devrait refléter l’implication de tous les intervenants du processus. Par exemple pour la tolérance de diamètre des essieux, il faut impliquer le fournisseur, ainsi que tout intervenant capable d’évaluer l’impact de la tolérance sur l’efficience, et bien entendu également le contrôleur de qualité qui devra finalement mesurer.
Il vaut mieux éviter:
- un manque de suivi (ou suivi insuffisant): un indicateur non mesuré (ou incohérent) ne devrait point exister.
- le manque de valeur cible: tout indicateur doit avoir une valeur cible bien connue, de manière à ce que le travailleur puisse facilement évaluer si le résultat est bon ou pas.
- les indicateurs pour la formalité de mesurer: il est préférable de limiter le nombre d’indicateurs à ceux qui contribuent vraiment aux objectifs processus et aux objectifs organisationnels. Gérer un trop grand nombre d’indicateurs diminue l’importance de ceux qui sont vraiment indispensables.
- un comportement indésirable: tout indicateur influence le comportement. Même si un indicateur est supposé susciter un comportement productif, il est important d’anticiper et d’exclure autant que possible tout effet secondaire ayant tendance à diminuer la productivité.
Enfin, un « dictionnaire pour indicateur » peut aider à éviter toute ambiguïté. Le tableau ci-dessous illustre à quoi ceci peut ressembler, pour notre exemple concernant la tolérance du diamètre des essieux.
Ecrivez dans la case ‘Commentaires’ ci-dessous à propos de votre propre expérience avec les indicateurs et recevez en retour un ‘white paper’ avec des conseils encore plus détaillés concernant les indicateurs de performance.
P.S.: N’hésitez pas à partager ce blog via Facebook, LinkedIn, Twitter ou Google+ via les boutons respectifs ci-dessous. Merci beaucoup!