Ce blog finalise une série décrivant les 5 principes de base qui caractérisent le Lean management. Il décrit le dernier, mais pas le moindre de ces principes, nommé Perfection. Sans aucun doute, le propulseur des concepts et outils comme l’amélioration continue, le cycle PDCA (ou roue de Deming), Kaizen, etc.
Rappelez-vous toutefois que la perfection ne concerne pas seulement la qualité du produit ou du service final, et certainement pas non plus ce que l’organistion elle-même pense ce qui devrait être ‘la perfection’. Il s’agit bien de ce que le client considère comme perfection. Il y a évidemment une forte relation avec le 1er principe de Lean: la valeur pour le Client. La perfection, c’est également fournir – ou prester – au bon moment (quand le client l’attend) et à un juste prix. Il s’agit bien sûr aussi – voire même principalement – de la façon d’atteindre la perfection pour les clients à travers l’ensemble de la chaîne de valeur. Mais si le principe de la perfection concerne la qualité et l’amélioration continue, comment le Lean management est-il différent des autres philosophies ou méthodologies visant la gestion de la qualité, comme le TQM (Total Quality Management), l’ISO, etc.? Jetons-y un coup d’oeil de plus près…
Lean dans le paysage Qualité et Amélioration
Comme cela est clairement illustré par Slack et al. dans le diagramme ci-dessous, Lean vise l’amélioration plutôt progressive ou évolutionnaire, contrairement au BPR (Business Process Redesign), par exemple et surtout le BPR de type Greenfield décrit dans ce blog, dans lequel vous faites table rase des processus existants. Lean est donc évolutionnaire, plutôt que révolutionnaire.
En outre, comme vous pouvez déduire de l’axe X, Lean montre un bel équilibre entre
- les solutions et les outils ou le «quoi», ou encore les aspects concrets et
- les méthodes, représentant le «comment», ou les aspects plus abstraits
Cela reflète l’approche pragmatique de Lean, et explique sans doute aussi pourquoi Lean est devenu si populaire dans une grande variété d’organisations. Non seulement en production, mais aussi dans les entreprises de services et les organisations (non) gouvernementales. Ce schéma révèle cependant aussi pourquoi Lean n’est pas la discipline de gestion la plus appropriée pour les « redressements rapides », qui peuvent s’avérer nécessaires en cas de crise ou lorsque le marché subit des changements perturbateurs, par exemple suite à une technologie de rupture. Lean recommande plutôt l’anticipation à de tels changements, grâce à « l’écoute » en continu des clients et en repérant rapidement les tendances futures. Afin de découvrir à temps comment l’organisation doit réagir vis-à-vis des futures évolutions du marché.
La perfection Lean, propulseur de Qualité
Malheureusement, comme déjà mentionné dans ce blog précédent, il y a encore toujours un mythe que Lean vise principalement la réduction des coûts. Ce sentiment est très probablement dû à des abus de Lean en tant qu’instrument de « réduction des coûts » par des organisations qui ne comprennent pas la philosophie réelle de Lean. Car le principe de Perfection démontre vraiment que cela est un mythe. Comme vous le lirez, Lean n’est pas seulement à la base de la gestion de qualité au niveau opérationnel, mais aussi aux niveaux tactique et stratégique. Autrement dit, non seulement bien faire les choses, mais aussi faire les bonnes choses. Jetons un coup d’œil aux concepts, outils et techniques qui peuvent vous aider à améliorer la qualité. Bien qu’ils ne soient pas tous issus de « Lean » proprement dit, ils sont souvent appliqués en association avec Lean par les mêmes organisations. Tout comme Lean Six Sigma est devenu une combinaison plus courante de nos jours que Lean ou que Six Sigma de manière séparée.
Réduire la complexité
« Keep it simple« est aussi une expression adoptée par Lean et ses adeptes. En effet, la complexité augmente habituellement la nécessité de contrôles – rendant les processus moins efficaces ou plus coûteux. C’est aussi souvent une source de variation et de variabilité, des ennemis de la qualité, comme vous pourrez lire plus loin.
Bien que la complexité puisse être causée par de nombreux facteurs – souvent à peine identifiables -, il est commode de distinguer essentiellement 2 types principaux de complexité:
Complexité du Produit ou du Service
La complexité des produits est la «raison d’être» de nombreux outils et techniques généralement utilisées dans le domaine de la Recherche et Développement (R&D) : Design of Experiments (DoE), Design for Six Sigma (DFSS), Design for Assembly (DFA), Group Technology (GT), etc.
Des services aussi peuvent être conçus dans de nombreux degrés de complexité. Pensez à la différence entre servir un hamburger ou un menu dans un restaurant 4 étoiles. Même s’il s’agit dans les 2 cas d’un repas, la différence entre ces services n’aurait-elle pas d’impact sur les processus des deux organisations …?
Complexité des Processus
Sachez que la complexité des processus peut être tout à fait indépendante de la complexité du produit ou du service. Considérez l’électricité, un produit de base (en anglais = ‘commodity‘), à titre d’exemple. L’hydro-électricité n’est-elle pas bien moins complexe à produire (et ses processus plus faciles à contrôler) que l’énergie nucléaire? Alors que le consommateur ne remarquera aucune différence à la prise de courant.
Inutile de souligner que la complexité du processus est le cheval de bataille de Lean, BPM (Business Process Management), BPR (Business Process Redesign) et d’autres disciplines de gestion similaires. En effet, elles visent toutes à réduire la complexité de manière à améliorer la qualité, mais aussi afin de réduire les coûts en éliminant les inefficiences, appelées gaspillages. Je ne citerai que quelques outils typiquement Lean qui permettent de réduire la complexité des processus : Value Stream Mapping (VSM), waste reduction, 5S, SMED, spaghetti diagrams, etc.
Combattre variations et variabilité
Bien que ce soit plutôt le coeur de Six Sigma et de SPC (Statistical Process Control), Lean a également comme objectif de fournir un output constant, de manière à garantir un produit ou un service uniforme. Pensez notamment à la méthode Taguchi et dito à la Fonction (de) Perte.
Toutes ces méthodes sont en fait basées sur le même principe: les valeurs des paramètres de qualité critiques doivent rester entre une tolérance inférieure et supérieure (en anglais: Lower vs. Upper Control Limit – LCL & UCL). Le mieux est de garder la variation la plus petite possible, à savoir la différence – ou bande – la plus étroite possible entre les tolérances inférieures et supérieures. Le diagramme ci-dessous (Slack et al) illustre clairement l’impact de ces tolérances sur le « coût de la variabilité » suivant la perspective de Taguchi .
Eviter les erreurs…
Il y a peu d’autres concepts et outils plus typiques pour Lean que le Poka Yoke (ou détrompeur), Visual Management & Visual Control, Andon, etc. Tous des moyens pour éviter que des erreurs puissent se produire.
…mais aussi prévenir les accidents
Mais le principe de la Perfection considère également les critères de qualité liés aux aspects humains. Il souligne l’importance d’une formation appropriée, de l’acquisition de compétences et d’expérience personnelle, etc. avant d’assumer des responsabilités. L’importance du 8ème type de gaspillage suivant Lean, encore trop souvent ignoré, est bien expliqué dans ce blog (en anglais) de Pete Abilla.
Et contrairement à la culture organisationnelle qui est encore trop souvent présente dans les pays occidentaux, la culture « sans blâme » (no-blame) est une partie essentielle de la philosophie Lean. En effet, l’organisation est bien plus productive lorsque le personnel ne cache pas les erreurs, mais en tire plutôt des leçons afin d’éviter que ces erreurs ne se répètent à l’avenir.
Perfection, moteur de l’Amélioration Continue
Je me souviens d’une interview assez récente avec un des directeurs de chez Toyota, alors qu’on lui demandait d’expliquer comment la société était devenue le plus grand constructeur automobile au monde. Sa réponse: « parce qu’en tant qu’organisation, nous sommes continuellement à la recherche d’amélioration dans ses nombreux aspects« . Devenir le N° 1 était clairement une conséquence, et non un objectif en tant que tel. Jetons maintenant un coup d’oeil sur les mots « dans ses nombreux aspects« .
Amélioration Continue à tous niveaux
Si vous êtes quelque peu familier avec la qualité ou avec la gestion opérationnelle, vous connaissez sans aucun doute la signification du cycle PDCA (Plan-Do-Check-Act), synonyme de la Roue de Deming ou des approches cycliques similaires, comme le cycle de vie BPM ou tout cycle infini semblable. Et si vous avez une certaine connaisse de Lean, vous avez sans doute déjà entendu parler de Kaizen.
Cependant, la plupart des organisations appliquent ces cycles de qualité principalement – si pas uniquement – au niveau opérationnel. D’autre part, beaucoup d’organisations conçoivent de belles stratégies qui ne sont guère – si pas jamais – mises en œuvre. Même si ces organisations ont réussi à éliminer les silos verticaux – ce qui est évidemment une bonne chose car ceci fluidise l’organisation -, des silos horizontaux semblent y subsister. Ainsi, la stratégie n’est pas traduite de manière correcte ou fluide envers les niveaux tactique et opérationnel et le management ‘dicte’ sans plus – même sans expliquer le pourquoi – au personnel ce que celui-ci est supposé effectuer. Ou pire encore: le top management n’implique pas les niveaux inférieurs, et ne tient même pas compte des défis opérationnels lors de l’exercice de planification stratégique, aboutissant ainsi dans une implémentation plutôt foireuse de la stratégie.
Dans son livre “Hoshin Kanri for the Lean Enterprise”, Thomas L. Jackson explique bien comment l’application de Hoshin Kanri permet de se débarrasser de ce type de silos horizontaux. Le concept des cycles PDCA imbriqués est fondamental dans ce livre. Un concept que j’expliquerai – et illustrerai – sans aucun doute de manière bien plus élaborée dans de futurs blogs.
Lorsque la direction engage les cadres intermédiaires et les travailleurs de tous niveaux dans la planification stratégique et son exécution, cela se traduit par un « buy-in » de tous les gestionnaires et travailleurs. Et cela conduit finalement à l’autocontrôle de l’organisation, où tout le monde est impliqué et ainsi déterminé à atteindre tout objectif organisationnel, quel que soit le niveau (stratégique, tactique ou opérationnel). Jackson considère à juste titre Hoshin Kanri et les cycles PDCA imbriqués comme moyen d’apprentissage organisationnel (Organisational Learning).
Amélioration Continue dans chaque cellule de l’organisation…
Même si cela peut sembler difficile à réaliser, en fait chaque travailleur individuel de l’organisation devrait participer à l’amélioration continue, des experts du département R&D aux collaborateurs du service après-vente, ou du PDG à l’équipe de nettoyage.
…mais surtout dans l’ADN – et l’état d’esprit – de l’organisation
En effet, l’amélioration continue devrait plutôt être considérée comme le résultat du comportement organisationnel global. J’aime ce blog par Jun Nakamuro, (d’où est issue l’image ci-dessous), dans lequel il illustre explicitement que Kaizen n’est pas vraiment le mot japonais pour « l’amélioration continue », mais plutôt pour « l’auto-développement continu ».
Si chaque travailleur applique Kaizen selon cette signification, cela mènera finalement à une amélioration continue au sein de toute – voire même à l’extérieur de – l’organisation.
Inutile de souligner que ce type de culture organisationnelle ne s’obtient pas ‘du jour au lendemain’, mais qu’il s’agit d’un long voyage, d’ailleurs interminable. Peut-être qu’un énoncé de mission comme « La poursuite incessante de la perfection » peut aider à acquérir une telle culture, pourvu qu’il soit bien respecté. Le slogan pour une marque haut de gamme du groupe Toyota (« the relentless pursuit of perfection » – Lexus) n’est probablement pas né par hasard.
Et vous, quel est – ou a été – votre principal défi en ce qui concerne la qualité ou l’amélioration continue? Partagez votre expérience ou avis via la case « Commentaires » ci-dessous, et recevez gratuitement un e-book (+/- 300 pages) qui vous sera utile à la mise en place, ou le suivi de l’amélioration continue de votre organisation.
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